Mission impossible en Somalie by Gérard de Villiers

Auteur:Gérard de Villiers [Villiers, Gérard de]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Espionnage
Publié: 1977-01-01T05:00:00+00:00

CHAPITRE XII

Abdi avait menti. La piste n’était pas mauvaise, elle était effroyable ! La Land-Rover était secouée comme une barque sur une mer démontée.

Le chauffeur somalien, bien calé par la portière, ses yeux de lapin russe protégés par des lunettes noires, conduisait avec de grands coups d’épaules, comme un boxeur frappant un adversaire invisible. Faisant passer d’une joue à l’autre sa chique de kat.

Malko étouffa un grognement en recevant tout le poids de Fuschia dans les côtes. Le souffle coupé, il essaya de se dégager, mais déjà un cahot plus violent projetait la métisse contre la portière où elle s’écrasa brutalement. À l’arrière, c’était encore pire : le « camarade » Moussa allait et venait d’un bout à l’autre de la banquette comme un ludion, essayant désespérément de se raccrocher à quelque chose. Seuls le chauffeur et Helmut Lambrecht, bien calés à l’avant, ne souffraient pas trop.

De profondes ravines, coupées d’ornières, succédaient à des virages incessants, à des trous colossaux qu’Abdi essayait de franchir en souplesse. Il faisait maintenant grand jour et la piste serpentait dans une savane déserte semée de grands épineux. De temps en temps, on apercevait un berger assis sous un baobab et c’était tout.

Profitant d’un ralentissement, Malko se pencha vers Abdi.

— Il y en a pour longtemps encore ?

Le Somalien se retourna, avec un grand sourire.

— Une heure et demie. Mais on va s’arrêter avant prendre un café.

Ce ne serait pas du luxe. Le cerveau vidé, Malko essaya de se concentrer sur l’idée d’une halte. Il y avait belle lurette que personne ne parlait plus. Seuls, quelques grognements étaient émis à l’occasion des secousses les plus fortes. Malko se demandait comment le grêle chauffeur pouvait tenir le coup. Enfin, la houle se calma soudain. La Land-Rover roulait sur du bitume. C’était tellement délicieux que Malko eut l’impression qu’il rêvait. Après la piste, on avait envie de descendre et d’embrasser l’asphalte. Il ferma les yeux et, quand il les rouvrit, aperçut quelques cases au milieu de la savane. Abdi ralentissait.

— On y est, annonça-t-il.

Malko descendit de la Land-Rover comme on saute d’un navire après une tempête. Une sorte de hangar-buvette en tôle ondulée et en terre battue se dressait au milieu de la piste. Des gens dormaient encore en plein air le long des murs. Un à un, les passagers de la Land-Rover sortirent, les yeux gonflés de sommeil, titubant, moulus. Seul, le chauffeur paraissait en pleine forme. Une silhouette émergea de sous un comptoir pour leur offrir du café… Pendant un long moment, personne ne dit rien. Buvant le breuvage brûlant et amer. Malko en ingurgita trois tasses coup sur coup.

Abdi s’ébroua.

— On va repartir, annonça-t-il.

Moussa faisait une sale tête. Il bâilla et dit :

— Attends un peu, je voudrais dire bonjour à une amie. Tu as bien cinq minutes, Jaaleh.

Abdi haussa les épaules.

— Si tu veux. On t’attend ici… Dépêche-toi.

Le « barman » s’était rendormi. Fuschia échangea un regard inquiet avec Malko, qui tenta de la rassurer d’un sourire… Helmut Lambrecht s’ébroua et annonça :

— Je vais voir s’il y a des photos à faire.

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